Comment créer du mystère et du suspense dans un roman

Comment créer du mystère et du suspense dans un roman ?

La vie ce n’est pas seulement respirer. C’est aussi avoir le souffle coupé.
Alfred Hitchcock

Pour ensorceler le lecteur, il existe des outils puissants. Vous vous êtes déjà fait happer de cette façon, et c’était bon. Vous en redemandez et vous avez raison.

Vous passez des heures devant votre clavier pour écrire des histoires que vous désirez les plus captivantes possibles pour les lecteurs. Vous avez un sujet passionnant, des révélations extraordinaires, des personnages fascinants, une arène originale, bref, une histoire prometteuse d’évasion et de découverte.

Mais vous savez que sans créer du mystère et du suspense dans un roman, la magie ne prendra pas. La création de mystère et de suspense c’est la cuisine de laboratoire de l’écrivain et du scénariste. Ça fonctionne un peu comme pour Walter White dans Braking Bad, vous devez concocter la drogue la plus puissante qui va rendre complètement accros ceux qui la goûte. Mais attention, le dosage peut être fatal pour le créateur comme pour le consommateur.

Tout comme la méthamphétamine bleue de Breaking Bad peut provoquer l’overdose pour le consommateur, le mystère mal conçu ou le suspense mal entretenu dans un roman peuvent entrainer de la déception, de la frustration, voire de la colère chez le lecteur.

S’il est évident que l’implant de mystère et de suspense s’installent nécessairement dans des polars ou des thrillers, il n’en reste pas moins que ce procédé est indispensable également dans tous les genres littéraires. Nous y sommes coutumiers et cela ne l’a jamais autant été. La surabondance d’informations, de publicités et de divertissements qui nous entourent est fondée sur le mystère et le suspense. Pour donner une chance à vos créations d’être découvertes, l’adoption d’outils et de méthodes efficaces est incontournable.

Le principe du mystère capable d’entretenir le suspense.

Quel est le moteur du mystère ?

Tout repose sur l’art de la gestion de l’information. Le(a) romancier(ère) ou le(a) scénariste va dissimuler des informations au lecteur ou au spectateur, et surtout, lui fait savoir qu’il(elle) lui cache ces informations. Une frustration terrible qui nous rappelle bien des souvenirs, déjà dans les cours d’école, à notre plus jeune âge. 

Cela revient à dire au lecteur il existe un secret extraordinaire dans mon livre, mais il va falloir lire la suite pour le découvrir.

La création du mystère c’est la promesse faite au lecteur dès le départ du récit. Tout ce que vous écrivez ensuite doit graviter autour de ce mystère, et c’est là que se développe le suspense. La pression monte, et l’auteur va devoir tenir sa promesse en offrant une réponse très satisfaisante, sinon, la déception sera à la hauteur de la promesse.

La méthode

Avant de découvrir les outils puissants de la création du mystère et du suspense, il est important d’en connaître les méthodes d’utilisation. Il serait regrettable de partir avec des outils capables de grandes prouesses, sans être suffisamment averti pour bien les utiliser. Dit de cette façon, ça nous rappelle les notices illisibles, pliées en 12 dans les boîtes de médicaments qu’on attrape à la hâte au milieu de la nuit quand ça ne va pas… et qu’on consulte après-coup en urgence, submergé par une vague de doutes, en se demandant si on n’a pas fait une énorme connerie. 

Première méthode

La première méthode, assez naturelle, mais de plus en plus efficace quand elle pratiquée en conscience, est assez semblable à la technique du jardinier. C’est à dire, semer des graines qui germeront tout au long du récit. Chaque graine est un élément intriguant, parfois presque invisible ou innocent, qui sera développé sur quelques chapitres ou sur l’ensemble du récit.

L’accumulation et la superposition d’intrigues qui démarrent, se termine, se combinent, s’enchainent et se poursuivent, rendent le récit captivant au point de ne plus pouvoir le lâcher tant on veut des réponses à tous les mystères. Notre curiosité naturelle taraude notre esprit continuellement, de jour comme de nuit, même de façon inconsciente. Nous réagissons tous plus ou moins à certaines émotions et certains sujets, et dans les bons récits, il y a toujours une intrigue au moins qui nous rend la lecture encore plus addictive. Pour certains lecteurs ce sera la résolution de l’énigme du récit (trouver le coupable, faire une grande découverte, revenir vivant après un voyage incroyable en étant exposé à tous les dangers), pour d’autre l’histoire amoureuse entre les personnages principaux, pour d’autre encore des sous-intrigues qui les touchent plus personnellement. Vos intrigues sont comme des brins d’ADN, si l’écheveau est bien conçu, chaque brin est indispensable et constitue l’identité unique de votre histoire, et vient soutenir le suspense créer par tous les mystères que vous avez savamment mis en place au fil des chapitres.

Point de vigilance toutefois : veiller à ce que la fin du récit soit pleinement satisfaisante pour le lecteur, en apportant toutes les réponses aux derniers mystères non éclairés. Sinon, la frustration et la déception l’emporteront.

Exemple

Pour illustrer la mise en place d’un mystère, voici un exemple efficace qui nous embarque immédiatement avec le personnage principal. Dans le livre « Il était deux fois » de Franck Thilliez (Ed. Fleuve Noir), le personnage principal, Gabriel Moscato, se réveille dans un hôtel sans se souvenir d’y avoir pris une chambre. Pire, rien de ce qui l’entoure ne lui appartient. Et pire encore, face au miroir, il a incroyablement vieilli. Il découvre qu’il n’est pas en 2008, mais en 2020. 12 ans de mémoire effacée d’un coup. Autant dire qu’à ce stade l’auteur a déjà posé de lourds mystères, mais ce n’est que le début. Gabriel Moscatto était là en tant que gendarme sur l’enquête de sa fille disparue, et découvre qu’il n’est plus gendarme en 2020, et que sur la plage d’en face il y a un cadavre, celui d’une jeune femme. Là, l’auteur pose des mystères sur le mystère. A mesure que l’auteur donne des réponses à certaines de nos interrogations, d’autres grandissent et le suspense gagne en puissance. Vous trouverez quelques compléments et analyses sur les techniques d’écriture dans la chronique que j’ai consacrée au sujet de ce livre : Chronique « Il était deux fois ».

Tout l’art de créer du suspense au fil du récit repose sur la façon de répondre aux mystères que vous installez. Toutefois, les réponses au cours du récit doivent laisser des zones d’ombre. Les zones d’ombre ne donnent qu’un élément de réponse, une satisfaction qui décuple le désir de découvrir la révélation finale. Les zones d’ombre permettent d’installer de nouveaux mystères pour emmener le lecteur et consolider le récit.

Exemple d’installation de mystères :

  • Décrire un lieu ou un endroit où jamais personne ne doit aller, et assurer qu’il existe.
  • Révéler l’identité d’une personne dont le passé risque de tout bouleverser de façon dramatique.
  • Parler d’un objet dont personne ne doit entrer en possession, en précisant qu’il est possible de le trouver.

Le mystère se joue à tous les niveaux, la phrase, la scène et le chapitre. Au niveau de la phrase, il s’agira de donner un indice. Dans les polars, c’est généralement quand le flic fait une découverte. Il tient le bout d’un fil qui va le mener vers la résolution. Au niveau de la scène, c’est la réflexion et l’analyse qui font murir le suspense et amènent à la limite de la zone d’ombre. Et au niveau du chapitre, c’est le fruit de toutes les scènes qui permet de conclure avec un cliffhanger, une accroche très forte qui pousse à démarrer le chapitre suivant. Les séries TV procèdent également de cette façon, à la différence près que les mystères sont agencés suivants les codes du format TV. Généralement, vous avez droit à deux épisodes de 52 minutes dans votre soirée. Le pilote, premier épisode, est dédié au lancement, à la promesse forte, puis il se termine avec un cliffhanger qui donne envie de poursuivre le visionnage. Le second épisode assure un rôle extrêmement important car son cliffhanger final devra être suffisamment fort pour permettre au spectateur d’attendre une semaine entière avant d’avoir la suite.

La création de mystère et l’installation du suspense reposent principalement sur la maitrise que vous aurez acquise des outils dédiés à ces processus narratifs. Disposer des outils ne suffit pas, il faut apprendre à les utiliser et c’est en s’exerçant régulièrement que vous serez de plus en plus efficace. Cela s’applique à beaucoup de domaine, et c’est particulièrement le cas pour ce sujet crucial dans l’écriture. Ce n’est hélas pas en empruntant la baguette magique d’Harry Potter qu’on devient un sorcier extraordinaire immédiatement.

Deux outils puissants pour créer du mystère et du suspense.

L’ironie dramatique

Le principe repose sur le fait de donner une information au lecteur ou spectateur, que le personnage concerné dans le récit ne connait pas encore.

Dès l’instant où vous installez ce dispositif, le lecteur est dans la confidence, il est impliqué grâce à un secret, il dispose d’une longueur d’avance sur le personnage et se trouve en empathie avec celui-ci. L’état émotionnel qu’est l’empathie est une clé majeure pour captiver le lecteur. L’ironie dramatique est un des outils le plus puissants pour y parvenir.

Cet outil fonctionne pour tous les genres de récits, polar, roman, comédie, poésie, pièce de théâtre, films, séries TV…

Quelques exemples :

  • Titanic : Tous les passages sont à la fête pour l’embarquement, certains se battent même pour avoir leur billet et partir. Nous savons tous que le bateau va sombrer.
  • Le diner de cons : L’invité est sélectionné pour ses « qualités » de cons, il est le seul à l’ignorer.
  • L’homme invisible : Le spectateur sait que l’homme invisible est là, mais l’assemblée dans la pièce l’ignore.
  • Tous les héros avec des supers pouvoirs, Superman, Wonder Woman, Batman, Spiderman… le spectateur est dans la confidence, et le reste du monde ignore l’identité de ces héros.
  • Toy Story : Le spectateur sait que les jouets s’animent dès que les humains ne sont pas présents.

Que ce soit dans les livres, les films, les séries, les pièces de théâtre, vous trouverez dans chaque histoire ou presque des exemples d’ironie dramatique. Le pitch même de certaines comédies sont des ironies dramatiques.

En maitrisant cet outil, vous en tirerez une puissance très payante dans vos récits.

La surprise

La surprise sert pour créer du mystère et du suspense et des révélations. C’est un des outils classiques. La surprise se distingue de l’ironie dramatique car elle concerne à la fois le lecteur ou spectateur et les personnages du récit. C’est dans les réactions produites sur les personnages que les lecteurs ou les spectateurs se régalent. Sa portée est immédiate, plus ou moins forte suivant l’importance de la révélation. Mais une fois annoncée, le pic émotionnel est consommé, alors que l’ironie dramatique permet de tenir un effet sur la durée, jusqu’à la surprise promise d’ailleurs.

La surprise est à utiliser avec un dosage réfléchi et surtout bien pensé en fonction des ironies dramatiques et des autres procédés capables d’installer du mystère et du suspense. Il est important de bien nourrir le récit pour que les surprises soient payantes et donnent encore plus de puissance aux ironies dramatiques par exemple.

Quelques exemples de surprises annonciatrices de mystères et de suspense :

  • En plein vol au-dessus de l’océan, la jauge de niveau de carburant d’un avion indique que les réservoirs sont vides. (Avarie technique ? Sabotage ?)
  • En brisant une statue abimée, et apparemment sans grande valeur, un antiquaire découvre un parchemin.
  • Un policier découvre une lettre anonyme sur le pare-brise de sa voiture. A l’intérieur, une photo incriminante prise le jour du meurtre de son enquête en cours.

Combinez les outils et le cocktail sera explosif

Les associations et combinaisons d’outils tels que l’ironie dramatiques et les surprises exacerbent les effets de mystères et de suspense. Plus un mystère en amène ou en cache d’autres, avec des surprises, plus votre récit devient captivant.

Pour aller plus loin

Les outils et méthodes évoqués précédemment peuvent être largement développés, et d’autres outils et méthodes existent pour créer des mystères et entretenir le suspense. Pour celles et ceux qui le souhaitent, je vous encourage à profiter d’un guide gratuit que je propose, et de découvrir mes MasterClass.

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3 réflexions au sujet de « Comment créer du mystère et du suspense dans un roman ? »

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