« Si la scène ne fonctionne pas, ce n’est pas en y injectant plein de mots que vous allez l’améliorer. »
Stirling Silliphant.
La technique d’écriture des dialogues dans le roman commence par bannir tout ce que l’oral produit d’inutile : les salutations systématiques, les banalités en surabondance, les reformulations…
Les fonctions du dialogue dans le récit.
Le dialogue humanise et apporte de la vraisemblance. Il donne vie aux personnages et met en lumière les moments forts, sur l’instant présent.
Le dialogue doit caractériser les personnages en même temps qu’il offre une progression des intrigues. Plus vos lignes de dialogues sont riches, plus elles sont indispensables et seront appréciées par les lecteurs. Mais attention ! Faites la chasse à tous les mots inutiles et les phrases trop longues. L’économie dans le dialogue c’est la clé de l’efficacité et de la force. Allez droit au but en employant le minimum de mots. Idéalement, chaque ligne de dialogue doit intervenir comme une « punch line ». Une sorte de coup de poing qui souligne l’état du personnage et sa situation dans les intrigues. Un roman trop bavard perd en puissance, notamment dans la force de son ambiance.
Comment caractériser vos personnages dans les dialogues ?
Nous avons vu précédemment que le dialogue doit caractériser les personnages. La raison à cela est simple, chacun d’entre nous s’exprime à sa façon. Dans un roman, nous n’entendons ni les voix ni les intonations, et nous devons tout imaginer. Il est donc fondamental de distinguer les personnages par un langage propre à chacun. C’est à travers les mots choisis et la façon de s’exprimer que vos personnages vont se différencier. Le champ lexical de chacune des grandes émotions vous donnera des idées : en mode colère, en mode amour, en mode autoritaire, en mode tristesse, en mode je me fiche de tout…
Le passé, ou la backstrory d’un personnage, ainsi que sa culture, son âge, le milieu professionnel dans lequel il évolue influencent naturellement sa façon de s’exprimer. Un docker de 50 ans, employé sur le port de Marseille, à la voix éraillée après 3 décennies de tabagisme actif à raison de 2 paquets par jour s’exprimera probablement différemment qu’un geek YouTubeur en stage informatique dans une des tours du quartier de la Défense à Paris.
Technique de réécriture des dialogues
Quand vous êtes auteur, vous êtes à la fois le narrateur, mais aussi la voix de tous vos personnages. Ne lissez pas les voix de votre récit. Vous pouvez demander par exemple à vos relecteurs de vous dire comment ils s’exprimeraient à la place de tel ou tel personnage. Un autre cerveau que le vôtre s’exprimera avec ses mots et ses expressions. Ainsi une caractérisation différente émergera.
Un dialogue convenablement caractérisé permet d’identifier immédiatement qui parle. Les meilleurs dialogues, caractérisés, n’ont pas besoin d’être suivis d’ajouts du type « dit Romain », « précise Julie »… le lecteur ne doit pas avoir besoin de stopper sa lecture et revenir en arrière pour comprendre qui parle. Je suis persuadé que cela vous arrive assez régulièrement, hélas. Si cela concerne un de mes romans, alertez-moi d’urgence ;-).
Le dialogue s’inscrit dans le mouvement d’une scène en cours. Il apporte un supplément d’émotion, comme si vos personnages gagnaient en relief dans vos pages. Quand il s’impose, le dialogue vient souvent instinctivement. Mon entourage me dit par exemple que je parle parfois, ou que face à mon écran, mes lèvres bougent quand je suis sur l’écriture d’un dialogue.
Le premier jet d’un dialogue ne sera pas nécessairement le meilleur, car il est souvent encore trop « écrit ». Une méthode efficace pour améliorer vos dialogues consiste à les relire à voix haute et avec le ton si possible. Posez-vous ensuite la question suivante : est-ce que dans la vraie vie, un personnage crédible peut parler de cette façon ?
Un dialogue qui ne sonne pas juste peut briser l’effet attendu, discréditer vos personnages, pire encore, faire sortir votre lecteur de l’histoire. Nous avons tous en tête des exemples de ce type. Peut-être hélas souvent dans certains téléfilms ou séries d’ailleurs. Même un bon comédien, dans un rôle bien construit, ne pourra rien sauver si son dialogue est mal écrit et sonne faux. Il en est de même dans les récits pour les romanciers.
Certains auteurs sont très l’aise dans l’écriture de dialogue, toutefois, il faut veiller à limiter les ardeurs pour ne pas en dérouler des pages et des pages. Cela devient irrespirable et finit par vider le récit de sa substance tout en créant des arythmies épuisantes. Mieux vaut souffrir d’un manque de dialogue que d’une overdose d’échanges verbeux.
Exemples de dialogues, et analyse.
Extrait de L’illusion de Maxime Chattam, Éditions Albin Michel
Situation : les deux personnages sont en route pour une station isolée et quasi déserte en haute montagne, en prévision d’y passer les 6 prochains mois
« Lily aimait bien l’accélérateur, nettement moins la pédale de frein, nota Hugo en s’accrochant à la poignée de sa portière dans une courbe un peu rapide, ne sachant s’il devait avoir peur.
Il se concentra sur leur conversation :
– C’est pas bizarre de passer de tout à…
– Rien ? Question de motivation, affirma-t-elle. J’en avais marre de la foule, de faire dans la quantité. Besoin de me retrouver avec moi-même. Il y a eu… une opportunité de tout changer, je l’ai saisie.
Soupçonnant une faille, comme un écho dans l’intonation qu’il reconnaissait parfaitement, et s’avisant que Lily n’arborait aucune alliance, il osa :
– Une rupture amoureuse ou une relation qui a mal tourné ?
Elle lui jeta un coup d’œil. Cette fois c’était son tour d’être surprise.
– On peut dire ça comme ça.
– On peut dire comment sinon ?
Silence. Hugo s’en voulut de jouer à ce jeu, il n’en avait pas les armes en ce moment, empathie et culot n’étaient pas tout à fait ce qui le caractérisait depuis trois mois. »
Cet exemple montre une situation tendue pour Hugo, le passager du véhicule, peu rassuré par la vitesse excessive de sa conductrice. Pourtant, le dialogue est tout à fait décalé par rapport à l’allure de la Jeep. Les échanges sont entrecoupés de brefs instants de réflexion. Les lignes de dialogues sont brèves et vont à l’essentiel. Pas de fioriture.
Extrait de Surface de Olivier Norek, Edtions Michel Lafon.
Situation : l’héroïne du récit, à laquelle le lecteur s’est attaché depuis le début du récit se trouve dans une mauvaise posture.
« Réunion postopératoire.
Hôpital des Armées Percy.
– À 6 h 37, par le SAMU, répondit le chirurgien à la question posée par le directeur de l’établissement.
– Poursuivez.
Le chirurgien reprit la parole, informant les autres internes de cette matinée mouvementée. Dans la grande salle vitrée, autour d’une table qui prenait quasiment tout l’espace, il détailla :
– Blessure balistique au visage. Perfusée au sérum phy et antalgiques. Intubation par l’équipe du SAMU pendant le trajet. Les fonctions vitales étaient assurées quand on l’a récupérée en salle de déchoquage. Nous avons poursuivi par un bilan lésionnel au scanner mais pas d’IRM, vu la présence de plombs, ç’aurait été une folie.
– Où ça, les plombs ?
– Un peu partout. Dans la langue, le menton, la mâchoire, le front et la joue droite qui a presque été entièrement arrachée par le blast du tir. On a recousu, c’est du joli travail mais il y aura toujours une vilaine cicatrice circulaire de vingt centimètres.
– Voilà longtemps que nous n’avions pas eu d’opération pluridisciplinaire aussi excitante, apprécia le directeur. Passons aux détails. Crâne ? »
Changement d’ambiance, pas de rodéo sur les petites routes de montagnes comme dans l’extrait d’Illusion de Maxime Chattam, mais une réunion dans une salle pleine de médecins. Ici le dialogue est déroulé de façon militaire. Pas de respiration, juste des détails, secs et bruts. Les seules remarques sont là pour enfoncer le clou. Cette méthode est du meilleur effet dans le cas présent. Nous découvrons, comme un ami, ce qu’il advient de notre héroïne… et le tout en étant dans la confidence des médecins, en plein travail.
Notez également que la forme des dialogues est aussi une méthode capable de donner l’ampleur à vos scènes.
Cet article ne présente qu’un premier aperçu de la construction et de l’écriture des dialogues. Pour aller plus loin et découvrir des outils puissants, capables de rendre vos écrits dialogues marquants, vous pouvez profiter des MasterClass que je propose.
Une technique précise et un formateur disponible
Le contenu est précis et progressif, il permet de bien s’approprier la technique et de la déployer dans son propre univers. Très utile ! Le plus : des échanges enrichissants avec Samuel Delage en commentaires. 😉
masterclass super pour trouver et valider une idée de roman
court, pédagogique et efficace. Très satisfaite de cette masterclass.
Simple clair
Samuel Delage avec son style dépourvu de toute fioriture parvient à mettre de l ordre dans mon esprit en arborescence et ceci plus les leçons avancent
Donc merci à lui
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Très bons conseils que je vais appliquer à mon roman, espérant ainsi atteindre un niveau professionnel…
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2 réflexions au sujet de « Comment écrire des dialogues percutants ? »