écrire un roman à la première personne

Écrire un roman à la première personne.

Quand on écrit à la première personne, au moins c’est clair : tout est subjectif.
Philippe Djian

Écrire un roman à la première personne c’est se plonger dans la tête du personnage principal, vous, en tant qu’auteur, et donc par la même occasion, vos lecteurs. Ce procédé est particulièrement immersif et puissant car il fait vivre l’histoire au plus profond de ce que ressent le personnage. Cela fonctionne extrêmement bien pour certains romans, notamment « La fille du train » de Paula Hawkins, ou encore avec une hybridation de ce procédé entre la première et la troisième personne dans « Meurtres pour rédemption » de Karine Giébel. La puissance de la première personne s’impose parfois tant elle fait sens.

Trouver la voix du personnage

Cette façon de raconter une histoire, par le biais du « je », offre son lot d’avantages mais aussi de contraintes, évidemment. La première étape consiste à trouver la voix de votre personnage, qui se distingue de celle de l’auteur, sauf s’il s’agit d’une autobiographie. Cette distinction est d’autant plus importante vis-à-vis des autres personnages qui interviendront dans le récit. Il convient de doter chaque personnage d’un « je » qui lui est propre. À la fois, car il s’agit de personnes différentes, mais aussi pour assurer la meilleure compréhension du texte pour les lecteurs. Si un des personnages est un pince-sans-rire et un autre un véritable hypersensible, dépassé par ses émotions, leur perception du monde sera très différente et marquée. Leurs agissements et leurs réactions face à des situations similaires n’auront probablement rien de comparable. Et leurs rencontres seront étincelantes.

C’est en créant de bons personnages à la base que vous trouverez leurs voix. À travers leurs histoires personnelles, secrets, névroses, blessures, rêves, éducation… Pour éviter de parasiter l’effort de lecture, il est souhaitable de limiter les effets de syntaxe, en forçant inutilement un accent par exemple, ou alors un bégaiement. 350 pages de bégaiement pourraient déstabiliser le lecteur.

Ce qu’implique l’emploi du « je », la première personne

Le personnage vit au présent et son propos ne peut correspondre qu’à ce qu’il vit. La force qui nous emmène à l’intérieur du personnage nous y enferme aussi d’une certaine façon. Tout est amené de son point de vue, du moins pour ce qu’il voit, entend, touche ou goûte. Ce personnage est donc souvent un personnage principal. Il doit être présent à tous les moments clés du récit. Cela peut représenter une sérieuse contrainte.

Par ailleurs, du fait que ce personnage est celui à travers lequel le lecteur vit l’histoire, il convient de le rendre particulièrement empathique, mais avec le « je », certains pièges guettent l’auteur. Si le personnage vit un drame, il doit être en mesure de l’exprimer avec justesse, sans en faire trop ou pas assez. Si par exemple votre personnage pratique un massage cardiaque sur sa compagne à la suite d’un accident qu’il a provoqué, et qu’elle meurt malgré l’énergie déployée, le propos doit être lisible. S’il y a trop d’émotion cela peut paraitre artificiel, surtout s’il agit avec détermination, s’il n’y en a pas assez le personnage pourrait paraitre sans cœur (sans jeu de mots avec la situation désespérée à laquelle il fait face.).

S’il convient d’être plus vigilant sur la façon de doser les émotions à la première personne quand le protagoniste vit un instant critique, il est aussi possible de recourir à un témoignage tiers, moins impacté par la situation, mais avec un « je » qui serait plus accessible. Ce personnage pourra raconter la situation telle qu’il l’a vécu et en même temps nous offrir un autre point de vue. Toutefois, dans les récits abordés à la première personne, le nombre de points de vue doit être plus limité. S’il y a 12 « je » cela sera très compliqué pour un lecteur de bien suivre l’histoire, surtout si le lecteur ne dévore pas le livre d’une traite.

La force du « je » réside dans l’expression sans équivoque du mode de pensée de votre personnage, sa vision du monde et celle qu’il se fait de la réalité qui l’entoure. Vous pouvez en jouer de façon très efficace. S’il s’agit d’un criminel, le lecteur pourra se figurer la nature terrible qui habite le personnage, ainsi que tout ce qu’il sera capable d’entreprendre suivant sa détermination et ses capacités. On peut imaginer que dans un tel récit, un autre « je » puisse être celui d’un policier qui traque et affronte ce personnage. Cela offre deux points de vue intérieurs très forts. Et si l’auteur du récit est habile, peut-être que la noirceur sera partagée entre le « dit » criminel et le policier. Chacun des points de vue réajustera celui de l’autre. Le lecteur sera savamment balloté et doutera agréablement de qui est bon ou méchant. Et à mesure que l’histoire avance, que les mystères sont dévoilés, la vérité éclate.

Quelques cas de récits spécifiques écrits à la première personne

Certains récits exploitent la force de l’usage narratif à la première personne à travers une construction spécifique. Les romans épistolaires, sous forme de correspondances. Chaque personnage s’adresse à l’autre par courrier interposé. Des lettres poignantes, intimes, où se nichent secrets, désirs, pudeur, confiance, amour, jalousie… Cela permet au lecteur d’entrer dans l’intimité des personnages de façon immédiate et sans filtre. Il n’est pas rare que ce type de récit s’écrive à 4 mains, tellement les voix des personnages sont personnelles et puissantes.

Deux exemples de livres :

Et je danse aussi de Anne-Laure Bondoux et Jean-Claude Mourlevat

Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows

Effets de style à la première personne

Jouer avec le lecteur à travers votre personnage qui s’exprime au « je » peut s’avérer être très séduisant. Tout le monde ment un peu, votre protagoniste aussi. Le talent de l’auteur consiste à le faire comprendre au lecteur au moment opportun dans le récit. Veillez toutefois à maîtriser le dosage pour éviter les effets indésirables. Mais si le lecteur peut se rendre compte que votre personnage est un peu fourbe ou prend des illusions pour des réalités, le jeu sur le doute, à certains moments, peut être très grisant. Le recours d’une seconde voix pour recadrer le vrai du faux permet par exemple de contrôler l’effet pour en tirer le meilleur parti.

Si le lecteur peut apprécier de découvrir quelques mensonges ou altérations de la réalité par le personnage principal du récit, il ne peut cependant pas être trompé à des fins scénaristiques, ou trop arrangeantes pour l’auteur. Si votre personnage est en pleine conversation avec un autre personnage, vous ne pouvez pas repartir en faisant comprendre au lecteur que votre personnage a obtenu une information cruciale sans la partager. Du fait de l’emploi du « je », vous êtes dans la scène, avec le personnage. Vous êtes ses yeux et ses oreilles, vous voyez et entendez tout. À trop tirer sur la corde, les procédés narratifs apparaissent en relief comme des facilités mal appréciées par les lecteurs.

L’exigence de la narration à la première personne

Dans les paragraphes précédents, nous avons évoqué la façon de procéder pour installer un dispositif narratif à la première personne, puis les atouts et les faiblesses que cela implique. Ce type de narration offre une puissance d’immersion très forte, toutefois, les pièges sont nombreux et il est plus difficile de se lancer dans l’écriture d’un récit avec le « je » que le « il », sans commettre certaines erreurs. L’auteur peut par exemple glisser légèrement de l’habit puissant du « je » sans tout à fait s’en rendre compte, en devenant davantage spectateur du personnage plutôt que de tout vivre à travers ce qu’il ressent.

Ainsi, avoir l’expérience de récits à la troisième personne peut s’avérer être plus sûr que de commencer par une narration au « je ». Personnellement, mes 5 premiers romans sont écrits à la 3e personne, et mon nouveau à paraitre est au « je ». Ce nouveau récit imposait par sa nature la narration à la première personne. Je ne vous cache pas que cela m’a demandé de rompre avec certaines habitudes. Si j’ai tout de suite apprécié la puissance incroyable du « je », j’ai dû apprendre aussi à me séparer de quelques outils efficaces dont dispose la narration à la 3e personne. Il se trouve que j’ai adapté en parallèle de l’écriture du roman, avec Gaumont, la série TV sur ce récit. La gymnastique avec les personnages a été intense, et, à ma grande surprise, le « je » m’a beaucoup aidé pour être mieux connecté à mon héroïne.  

Un dernier point important à retenir dans le cadre d’une narration à la première personne : la motivation du personnage doit être le cœur nucléaire qui fait avancer l’histoire, et surtout que cette motivation soit comprise immédiatement par le lecteur. Plus on est dans la tête d’un personnage, plus il nous emmène avec sa logique et ses motivations. C’est une question de crédibilité. Dans notre vie, nous sommes poussés par des obligations ou des motivations personnelles. Nous ne sommes pas « téléguidés » par un romancier de façon artificielle.

Pour aller plus loin sur les processus narratifs

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