La mise en scène dans le récit

La mise en scène dans le récit

La mise en scène ou la scène dans le récit pourrait correspondre aux blocs de pierre constitutifs d’un édifice dont vous seriez l’architecte. Votre édifice, bien pensé en amont, dans sa structure et son architecture générale, pourra s’ériger de façon solide grâce à l’assemblage de vos scènes, taillées une à une et ajustées avec soin.

Chaque mise en scène, ou scène, dans votre récit, doit tenir une fonction bien spécifique. Les scènes qui ne remplissent pas leur rôle doivent être supprimées, ou fusionnées avec une autre. Les scènes faibles, ou bancales, dont le rôle n’apparait pas, alourdissent inutilement la structure et parasitent le plaisir de lecture. Bien que l’éditeur veille au grain et n’hésite pas à élimer les aspérités du récit, autant soigner l’ouvrage en amont pour lui éviter une surcharge de travail.

“La mise en scène est une naissance.”
Louis Jouvet

“Je mets en scène des gens ordinaires, pas des héros.”
Franck Thilliez

“Les Anglais ont inventé le football, les Français l’ont organisé, les Italiens le mettent en scène.”
Serge Uzzan

La taille des « blocs »

À chacun son type de scène, certains préfèreront l’aisance, les grands « blocs », d’autres seront plus à l’aise en taillant des « petits blocs » efficaces. Cela dépend aussi du type de récit et du style littéraire de l’auteur. Vous serez certainement inspiré et influencé par ce que vous lisez le plus.

La scène montre plus qu’elle raconte

Idéalement, chacune de vos scènes doit montrer plutôt que raconter. En faisant vivre les personnages, les lecteurs entrent dans votre histoire, au plus près des émotions. Ne laissez pas vos lecteurs dehors, ouvrez-leur la porte de votre récit. N’écrivez pas que votre personnage est en colère, montrez-le, quand il chiffonne par exemple toutes les pages qu’il a écrites parce que son chapitre ne lui convient pas. Exagérez le trait, montrez-le en train de les piétiner, de les asperger de son mauvais café, comme si c’était à cause de ce très mauvais café que son récit n’avance pas. Et pourquoi pas en train de manger la dernière boulette chiffonnée parce qu’il n’a même plus de café à lui verser dessus et qu’il pète les plombs. Et là, il reçoit un mail de son éditeur. Goutte de sueur sur la tempe, il clique et ouvre le message.

« Tu as jusqu’à la fin de la semaine pour me livrer ton manuscrit. Ça tombe bien, on est vendredi, et il est 17h. Ton éditeur, pour 2 heures encore. »

C’est moi ou je ne suis pas très sympa avec ce personnage ? ;-). En tout cas, je pense que chacun se figure ce personnage, auteur bien en peine. Avec votre imaginaire vous construisez votre cinéma intérieur. La fiction prend naissance dans chacune des scènes. Le sel du récit se loge ici. Et c’est « bloc » après « bloc », scène à après scène, d’émotion en émotion que votre histoire vit. Ce qu’il y a de formidable avec les architectures bien pensées en amont, et les structures solides, c’est que vous pouvez ajuster vos scènes sans peine et sans dégâts, et même les réagencer au besoin. La logique du récit permet de trouver le meilleur agencement.

Les fonctions de la scène

Les scènes sont des éléments qui s’imbriquent les uns aux autres et constituent le récit dans sa continuité logique. Les scènes sont des wagons chargés de sens et de valeur. Si vos personnages ne trouvent rien à faire dans certains wagons, détachez-les de votre train.

Une scène est un tout, une petite histoire dans la grande. Elle a un début, un milieu et une fin. Elle contribue à la progression du récit. Vous devez être en mesure d’écrire sa fonction en une phrase (création : la structure du récit) :

Le personnage, Marcus, découvre un message bouleversant.

Puis, vous traduisez cette fonction en fiction (création : la chair du récit) :

Marcus sort en hâte de son bureau, laissant tous ses documents de travail en plan. Il enfile sa veste tandis qu’il traverse le couloir au pas de course, droit vers la sortie. Marcus salue à la sauvette une collègue qui lui sourit d’un air moqueur. Dans son élan, il traverse la chaussée sans regarder autour de lui, coup de frein, klaxon, insulte. Marcus ne réagit pas, il ouvre la porte de sa voiture, jette son smartphone sur le siège passager et se faufile dans l’habitacle puis démarre en trombe. Son téléphone émet une alerte. Sur l’écran s’affiche « RDV médecin 18h ». Sur le tableau de bord, l’horloge électronique affiche 18h35. Marcus grimace, puis remarque alors une lettre glissée sous l’essuie-glace devant lui. Il actionne les balais, mais ils ne parviennent pas à chasser totalement l’enveloppe. Il remarque alors sur l’enveloppe une écriture manuscrite, puis il approche son visage du pare-brise. Il découvre son prénom sur l’enveloppe. Marcus appuie sur la pédale de frein et s’arrête en pleine rue. Nouveaux coups de klaxon. Il sort, déloge l’enveloppe, tandis que les insultes fusent depuis la fenêtre du véhicule bloqué derrière le sien. Marcus commence à lire, le message est court :

« Marcus, puisque tu n’es jamais là, et que tu ne prends même plus le temps de me répondre au téléphone, j’ai rassemblé tes affaires dans un sac sur le palier. Trouve-toi une autre adresse et une autre nana.

J. (« J », c’est « Julie » au cas où tu aurais même oublié mon prénom ».

L’écriture de la scène ne contient que certains éléments de chaque mouvement du personnage, c’est le lecteur qui, dans son esprit, va relier les mouvements en se créant son « cinéma » intérieur. Ainsi, il participe activement à ce qu’il lit, à la fois psychologiquement et émotionnellement. Il s’approprie le texte et entre dans les meilleures dispositions pour continuer sa lecture.

Une scène comporte 3 fonctions

  • Faire avancer l’intrigue ou la sous-intrigue qu’elle traite
  • Faire vivre les personnages à travers leurs caractérisations
  • Captiver dans sa chair

Ces 3 fonctions sont nécessaires. La première est évidente, le lecteur ne continuera pas si votre histoire stagne ou patauge. La seconde fonction va permettre l’immersion du lecteur et oblige l’auteur à bien traiter ses personnages, à les rendre présents, vivants et actifs. Et enfin, la troisième, c’est le bonus, ce qui fait qu’on trouve un supplément d’âme à votre récit. Pour cette dernière fonction, vous devez pouvoir détacher la scène de votre récit et la rendre passionnante, intrigante ou fascinante même hors contexte.

Les 3 natures de la scène

Les scènes peuvent être de 3 natures. Les scènes du premier acte du récit doivent remplir un rôle associé à l’exposition de l’histoire et son élément déclencheur. Les scènes du deuxième acte contribuent au développement du récit dans son mouvement principal. Enfin, les scènes du troisième et dernier acte contribuent à la résolution de votre histoire. Le champ lexical associé à chacun des actes peut émerger dans vos scènes, tout comme dans la forme de celles-ci. Il pourrait presque être possible d’extraire une scène de chacun des actes et faire deviner l’ordre et le positionnement de ces scènes à un lecteur lambda qui ne connaît pas encore votre histoire.  

L’auteur et son amour pour ses scènes, le doux piège

Écrire, c’est en premier lieu se faire plaisir. Et c’est ainsi qu’égoïstement, l’auteur tombe parfois amoureux de certaines de ses scènes, qui peuvent, en toute objectivité, être très belles, mais ne remplissent pas leurs fonctions. Il faut savoir dire adieu à certains passages dont une part de substance échappera au lecteur dans la mesure où le lecteur s’en tient à l’histoire. Le lecteur se fiche de savoir si vous avez écrit cette scène sur le bord d’une plage un soir d’été en sirotant un Mojito avec votre nouveau crush.

Quand une scène présente des faiblesses sur certaines de ses fonctions principales, ne pensez pas que la charge émotionnelle que vous avez pour elle peut compenser les manques. Coupez là, ou fermez les yeux et tendez la paire de ciseaux à votre éditeur, il maîtrise très bien la paire de ciseaux ;-).

Une scène bien écrite est une scène d’émotion

Une scène bien écrite est une d’émotion, elle crée de la chaleur et n’est pas froide comme l’architecture sur laquelle est s’accroche. En étant scénariste, ce propos sonne comme une évidence. Si la construction du récit repose sur un travail préalable d’architecte, assez proche de celui du scénariste, l’écriture de la scène est plus proche du travail de réalisateur, de chef opérateur (gestion de la lumière, ambiance, etc…) de metteur en scène.

Écrire un roman c’est alterner entre le rôle d’architecte et le rôle de jardinier comme beaucoup ont coutume de le dire. L’architecte conçoit avec rigueur les grandes lignes du récit, ce qui, malgré toute la grâce qu’on pourrait espérer, est moins chargé d’émotion et plus froid que la réalisation du jardinier qui donne vie à tout ce qu’il sème et fait germer.

Naissance de la tension et des émotions dans les scènes

Donner de la vie aux scènes, passe par la seconde fonction que doit remplir la scène, c’est-à-dire grâce aux personnages. C’est dans la gestion de leurs frustrations, leurs oppositions, leurs objectifs que les tensions et les émotions vont naître. Rendez vos personnages humains, souvent leurs paroles ne traduisent pas tout à fait ce qu’ils sont et ce qu’ils veulent. Cela se vérifie particulièrement dans les relations de séduction, un personnage qui soutiendra à un autre personnage qu’un avenir à deux n’est pas possible, mais qui tendra toujours sa main à un moment donner pour trouver la chaleur et le contact de l’autre.  

La mise en scène est un vaste sujet qui mérite davantage encore. Je vous encourage à découvrir mon guide gratuit d’écriture des 10 règles fondamentales pour réussir et découvrir les MasterClass que je propose.

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4 réflexions au sujet de « La mise en scène dans le récit »

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