Objectif Lune, la série For All Mankind d’Apple TV tient sa promesse, et plus encore. Créée par Ronald D. Moore, Matt Wolpert et Ben Nedivi, cette uchronie brille par son audace, son traitement et l’angle inédit proposé.

Si le phénomène de l’exploration spatiale connait un regain spectaculaire qui n’échappe à personne, entre Thomas Pesquet qui rejoint l’ISS pour le seconde fois, Elon Musk qui multiplie les annonces des voyages lunaires, pour 2023 et une première base pour 2026, les séries TV sur le sujet ne sont pas en reste.

For All Mankind c’est d’abord le pari audacieux de réécrire l’histoire… avec des « Et si… » on refait le monde. Les créateurs de For All Mankind définissent de nouvelles règles : le premier homme à poser le pied sur la Lune n’est pas Américain, mais Russe. Et en effet, tout change, et la conquête de l’espace prend un nouveau tour.

Tout est revisité dans cette série, au point de damer le pion à tout ce qui a été proposé jusqu’à présent. L’effort scénaristique ne connait aucune limite et démontre un talent hors-norme, difficilement égalable pour être tout à fait sincère. Il ne s’agit pas seulement d’un tour de force visuel et spectaculaire, mais bien d’une profondeur humaine rarement abordée à un tel niveau dans une série de ce genre. L’art de la dramaturgie frappe aussi fort que le décollage d’une Saturne V et laisse le téléspectateur sur orbite à chaque épisode. Regarder For All Mankind c’est vraiment goûter à l’espace, à une autre nature des lois de la gravité, et surtout à notre humanité à 400 000 kilomètres de chez nous.

La série s’appuie sur un réalisme particulièrement immersif, à la fois sur le plan technique, mais aussi sur les stratégies politiques et de gouvernance entre les états et la Nasa.

Les arches narratives des personnages reposent sur ce qui nous touche directement, au sein des familles, mais aussi d’un point de vue professionnel et plus encore en allant chercher dans le dévouement, la loyauté, le patriotisme et ce que l’histoire avec un grand H a fait des nations et de ceux qui se sont battus, hommes et femmes, chacun sous leur drapeau avec leurs convictions, parfois émoussées. La place des femmes, la couleur de peau, les origines, les cursus universitaires, les registres culturels, rien n’est oublié ou négligé. C’est dans la caractérisation de chacun des personnages, que ce soit physique et psychologique que les thèmes de cette série sont traités.

Le duo de pionniers américains qui arrive en second sur la Lune, après les Soviétiques, offre un point de vue très nuancé tout au long des épisodes sur les deux premières saisons, particulièrement le co-équipier du personnage principal. Cette série a trouvé un équilibre satisfaisant à travers sa distribution. Le comédien Joël Kinnaman incarne Edward « Ed » Baldwin, leader formé à la Navy et pilote d’élite, mais fragilisé par un drame familial capable de réveiller de vives douleurs dans les périodes critiques. Son coéquipier, Gordon « Gordo » Stevens est incarné par le comédien Michael Dorman, malgré une résistance moins forte à la pression et au confinement, ce personnage sombre dans l’abandon tandis que ses collègues prennent d’immenses risques pour lui éviter le pire psychologiquement. Mais ce personnage brille par le rebond dont il est capable. Une véritable reconquête de lui-même et de sa femme, face à tous ses démons. On aime ces personnages conçus pour souffrir, et devoir se battre contre eux-mêmes jusqu’à la limite du sacrifice ultime.

Réussir une première saison avec un high concept est un succès très louable et satisfaisant pour le spectateur, très en attente et exigeant pour la suite. Être en mesure de renouveler l’exploit au même niveau et plus encore avec une seconde saison c’est toute la satisfaction de cette série. Alors, forcément, la saison 3 est très attendue, et les scénaristes laissent entrevoir une promesse édifiante, mais à présent on ne doute plus de leur talent.

For All Mankind s’inscrit irrémédiablement comme une série phare de cette décennie. On ne peut souhaiter que bon courage à la concurrence dans ce domaine.

Samuel Delage

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