“Si les points de suspension pouvaient parler, ils pourraient en dire des choses et des choses !”
Pierre Dac / Y’a du mou dans la corde à noeuds !
Disposer des idées de fond pour une fiction est une chose, mais bien les structurer en est une autre. Et ces deux compétences sont indispensables et surtout indissociables pour créer de bonnes histoires.
Concrètement, même avec de bonnes idées, si elles sont mal organisées, l’histoire pourrait être affaiblie, pire, le lecteur pourrait ne rien comprendre. Ce serait comme forcer l’assemblage des pièces d’un puzzle alors qu’elles ne sont pas à leur place. Le résultat serait certainement moins convaincant que le modèle présenté sur la boîte d’emballage.
Si certains romanciers ou scénaristes sont des génies créatifs, d’autres sont davantage des architectes. En réalité, nous oscillons tous quelque part entre ces deux univers, avec des aller-retours incessants entre les deux hémisphères de notre cerveau.
Pour le romancier, l’idéal est de réunir une partie de chacune de ces compétences, créatif et architecte, car souvent, écrire un roman, c’est une aventure assez solitaire. Le romancier devra donc être bon sur le fond de sa création et également capable de structurer son travail pour que le récit soit solide, cohérent et tienne ses promesses. Alors que l’écriture de séries TV est majoritairement le fruit d’une co-construction à laquelle participent plusieurs scénaristes. On parle également de « writing room », où sont réunis les scénaristes pour des séances collectives intenses. Chacun apporte le meilleur de ses compétences et les attelages solides, qui durent, sont ceux de cerveaux qui se complètent.
Pour ma part, j’aime la liberté que m’offre l’écriture de mes romans, de longues chevauchées sur plusieurs mois, au cœur d’univers qui m’appartiennent, au moins pendant la période de création. Mais je ne pourrai pas me défaire de l’effervescente stimulation créative et collective que je partage avec mes co-scénaristes sur les projets de séries TV que nous développons. Que ce soit pour des créations originales de séries ou des adaptations de romans. Travailler ainsi, à la fois en tant que romancier et scénariste, implique une gymnastique quotidienne particulièrement intense, mais ces activités se complètent l’une et l’autre. Tout l’apprentissage sur la structure notamment, grâce aux travaux de scénariste, permet de remettre en question et d’améliorer cette exigence dans le roman.
Par ailleurs, les directeurs(trices) littéraires des maisons d’édition et de production participent, comme les éditeurs et les producteurs aux réflexions autour des projets. L’éditeur accompagne l’auteur et apporte son regard et ses critiques sur le fond et la structure, souvent très à-propos. Le monde de la production, qui de plus sera soumis aux contraintes parfois très exigeantes des diffuseurs, chaines TV et plateformes, est encore plus interventionniste à ce sujet. Les engagements financiers des tournages étant très élevés, chaque économie possible dans les scènes est considérée. Et la structure est si importante dans le milieu audiovisuel, qu’elle ne doit souffrir d’aucune faille qui serait capable de pénaliser les audiences et les rendez-vous semaine après semaine au moment des diffusions.
Que ce soit l’agent littéraire ou l’agent audiovisuel, ils apportent également au romancier et au scénariste des orientations quant aux projets à créer afin de donner les meilleures chances possibles aux livres de trouver leur lectorat et aux séries ou films de séduire les diffuseurs et les spectateurs.
Ce point sur les éditeurs, producteurs et agents permet de clarifier et justifier leur importance dans le dispositif créatif. Mon agent littéraire m’aide à aiguiller mon travail de romancier, tout comme mon agent audiovisuel le fait sur mes projets de séries. Ensuite, je travaille avec les éditeurs, producteurs et diffuseurs dans chacune des disciplines. Les sujets de fond (idées, thèmes…) et de forme (structure) sont systématiquement sur la table des discussions. Il est donc très important que vous considériez ces points avec l’attention qu’ils méritent.
Tout l’art de mettre en place une structure dans un roman ou une série à suspense consiste à distiller avec méthode les informations clés de votre histoire, tout en faisant progresser les intrigues et vos personnages de façon organique et logique.
Les cliff ou cliffhanger, sont les moments forts qui ponctuent les grandes scènes et les chapitres dans les livres, tout comme ils distinguent les actes internes des épisodes de séries TV. Dans le livre le romancier dispose de plus grands degrés de liberté, un chapitre peut osciller d’une taille à une autre, sans pour autant trop exagérer. Dans la série, les codes sont foncièrement plus stricts.
Nous nous sommes habitués à des rythmes très structurés qui cadencent nos lectures et nos visionnages. Il paraîtrait fade aujourd’hui d’en changer, sauf cas particulier ou volonté artistique spécifique au projet proposé. Attention toutefois, chaque transgression de règle ou habitude, exige une excellente maitrise de l’art de la dramaturgie. Novice s’abstenir.
Concrètement, si un auteur ne tient pas compte, ou néglige la structure de ses récits, il peut s’attendre à quelques déceptions, au moins de la part des éditeurs, qui ne laisseront pas passer, et surtout des producteurs ou diffuseurs rompus à l’exigence de cette discipline. Mais surtout, ce seront les lecteurs, qui même sans percevoir parfois l’aspect technique défaillant, ne seront pas en mesure d’apprécier le travail proposé et potentiellement très dur sur les critiques.
Donner du rythme avec des rebondissements réguliers aide l’auteur à distiller habilement les atouts de son histoire. Pour l’exercice, vous pouvez analyser la construction de quelques chapitres de livres, polar, de vos auteurs préférés, en repérant les rebondissements. Vous verrez apparaitre la structure. De même, et plus particulièrement encore, sur des séries TV récurrente. Le minutage des 4 actes est d’une précision édifiante.
Stratégie efficace de structure polar : victime, suspects, criminel, mobile
Avant toute chose, vous devez vous assurer de la pertinence et de la crédibilité des raisons profondes de votre histoire.
S’il s’agit d’un polar classique, éprouvez bien la crédibilité du mobile de votre criminel, de sa capacité à agir, de la force de sa motivation ainsi que l’adéquation de cet ensemble avec la victime. Le mobile doit être très très fort. Gardez bien qu’il doit pousser à tuer, et si possible un personnage qui à la base ne serait absolument pas un criminel.
Pour vous aider, essayez de résumer en une phrase ce les policiers pourraient dire à la fin du récit en parlant de la victime :
La victime X a été tuée par Y parce que Z
Exprimez le même type de phrase en partant du criminel :
L’individu X a tué Y pour la raison Z et dans le contexte W
Si votre histoire est solide, vous le verrez, et si elle est faible vous le verrez également. Testez auprès de votre entourage.
Une structure ne tient que sur un solide dispositif polar : mobile, motivation, victime, criminel.
C’est en connectant vos rebondissements successifs autour du mystère de la mort de votre victime que votre structure va fonctionner. Cette méthode est directe et efficace. Le fil rouge c’est confondre le criminel, et l’atteindre en faisant progresser l’enquête pas à pas.
En focalisant les efforts de votre personnage principal dans sa quête de vérité autour du mystère de la mort de votre victime, vous conservez l’empathie du lecteur ou du spectateur.
Plus vous accompagnez le lecteur avec des rebondissements convaincants et progressifs, plus il aura le sentiment de participer lui-même activement à l’enquête. Il a confiance en vous et devient le personnage. Chaque cliff ou rebondissement lui apporte une satisfaction et le maintien à rythme régulier dans le « flow » provoqué par le récit. Si le lecteur devait attendre 3 chapitres avant d’avoir un cliff, il pourrait stopper sa lecture, sauter des pages, briser la progression de l’enquête, et rompre définitivement le charme de l’empathie. Des cliffs réguliers, au sein de chaque chapitre en plus d’un cliff final payant, sont les meilleurs atouts pour satisfaire les lecteurs.
En liant la victime, d’une façon ou d’une autre, à chaque rebondissement cela permet au lecteur de ne jamais perdre de vu le cap à suivre. Les suspects, interpelés et auditionnés permettent de faire avancer l’affaire, et de résoudre les mystères les uns après les autres, en progressant toujours dans les zones d’ombre de chacun. L’important est de ne pas s’égarer et de maintenir du rythme régulier et le cap à suivre.
Ce cours chapitre sur la structure polar ne constitue qu’une approche de ce vaste sujet. Il pose quelques bases fondamentales, mais mérite bien davantage. Je vous invite à découvrir les MasterClass que je propose et de recevoir, pour commencer, un guide gratuit sur les 10 règles fondamentales d’écriture.
Formation claire, concise et précise.
Objectifs clairs et atteignables. En mettant en pratique les conseils de Samuel, avec deux exercices à réaliser.
Très bonne formation, très complète. Encore merci pour ces précieux conseils !
Si je peux me permettre, j’ajouterais éventuellement une vidéo supplémentaire pour approfondir la partie Plan / Structure d’une intrigue.
Vous pourriez par exemple ici expliquer (en résumé) la célèbre structure « Save the Cat » et ses 15 points clés (ou « beats » en VO) selon Blake Snyder. Et donner à télécharger en bonus une visualisation des 15 points clés par exemple (ou leur liste avec une petite explication de chaque point).
Cela m’a beaucoup aidé pour m’assurer d’avoir une intrigue qui tient la route, tout en restant « drivée » par mes personnages. Mais ce n’est qu’une suggestion bien sûr… 🙂
Encore bravo pour ces précieux conseils !
Les conseils de Samuel sont une mine d’or. Il comprend et motive ses élèves, les accompagnent avec bienveillance et sait se montrer disponible. Un excellent professeur !
Le contenu est précis et progressif, il permet de bien s’approprier la technique et de la déployer dans son propre univers. Très utile ! Le plus : des échanges enrichissants avec Samuel Delage en commentaires. 😉
court, pédagogique et efficace. Très satisfaite de cette masterclass.
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Bonjour, merci pour vos conseils! Je commence un polar mais j'ai de la peine à me lancer dans l'écriture. J'ai un excellent "crime" mais je ne sais pas vraiment par quel bout commencer. Par exemple, j'ai peur qu'on devine assez vite qui est le meurtrier... N'aurais-je pas intérêt à faire en sorte que tous les personnages puissent être le meurtrier? Merci!
Cher Marc, félicitations tout d'abord pour votre projet d'écriture en cours. Je vous encourage vivement à poursuivre. Quant au fait du risque de découverte trop rapide de votre criminel, tout dépend de l'effet que vous souhaitez installer. Soit le lecteur sait dès le départ, et tout le jeu consiste à découvrir comment va se faire appréhender votre criminel, ou alors, enrichissez l'intrigue en complexifiant les relations de votre victime avec d'autres personnages. Vous aurez ainsi davantage de suspects.
Je vais prendre la voie du coupable qu'on ne trouve qu'à la fin je pense. C'est plus classique mais moins casse-gueule ;-) Et dans mon histoire, ils ne sont pas nombreux à ne rien avoir à se reprocher. Ils ont presque tous un truc à se reprocher, même si leurs "mauvaises actions" n'ont pas tué la victime. Je pense que ça peut m'aider à les rendre coupable du meurtre plus facilement! J'espère en tout cas!